Si la Suisse a longtemps été qualifié de Château d’eau de l’Europe avec ses réserves d’eau, les nouveaux records de chaleurs atteints ces derniers été montrent que la ressource n’est pas inépuisable. La fonte des glaciers s’accélère, les réserves des barrages sont inférieures à la moyenne, les sources de certains villages se sont taries, obligeant le transfert d’eau depuis d’autres communes.

L’eau est nécessaire aux organismes vivants tel que la flore et la faune qui constituent notre écosystème, mais également aux humains. L’eau est également nécessaire à la production de l’énergie, que ce soit avec les chutes d’eau issues des barrages ou bien par le refroidissement des centrales nucléaires.

Or, au moment où il devient nécessaire de préserver cette ressource, nos comportements citoyens ne sont pas en adéquation avec le défi à relever. Effectivement, quand en moyenne un allemand consomme 122 litres d’eau potable domestique par jour, un français 148 litres, un suisse consomme 250 litres / jour.

Changer nos habitudes

Il y a donc une réelle nécessité à changer nos habitudes afin d’économiser l’eau si on souhaite pouvoir encore disposer de cette précieuse ressource dans les années à venir. Si certaines personnes ont depuis longtemps adapté des écogestes, il faut bien avouer que pour la majorité, l’eau n’est pas économisée, voir largement gaspillée.

Afin de responsabiliser les habitants, certaines résidences ou collectivités installent des compteurs d’eau communicants, qui permettent à chaque foyer de connaitre chaque jour leurs consommations. Il est ainsi possible de valoriser les gestes d’attention qu’un foyer aura porté aux économies d’eau au jour le jour alors que jusqu’à présent il était nécessaire d’attendre 12 mois pour connaitre sa consommation d’eau. Cela permet une économie d’eau de plus de 5% constaté en moyenne.

Un autre moyen de contribuer à économiser l’eau est de mettre en place de nouveaux modèles tarifaire, qui sensibilisent les consommateurs particuliers et entreprises, et ainsi freinent le gaspillage et la surconsommation. Plusieurs expérimentations ont déjà été faites dans ce domaine en Belgique, en France, en Espagne, aux Etats Unis … Le modèle le plus souvent implanté consiste à passer du tarif binôme (abonnement + coût linéaire du m3 consommé) au tarif progressif, c’est-à-dire par palier. Par exemple, dans un premier palier de 0 à 80m3 le coût du m3 sera plus faible ou équivalent au coût actuel, de 81 à 150m3 le coût du m3 sera 30% plus chère, de 151 à 200m3 le coût du m2 sera 60% plus chère et au-delà de 201 m3 le coût sera 100% plus chère.

Avec la mise en place des compteurs communicants, la tarification progressive devient encore plus pertinente, puisqu’il est possible d’adapter la hauteur des paliers en temps réel, en fonction de la ressource d’eau réellement disponible et des alertes sècheresse. Ainsi, quand la ressource eau est plus rare, son coût est plus élevé et donc chacun contribue à mieux la préservée.

Bien sur ce modèle n’est pas parfait, il y a des cas particuliers à prendre en compte comme les copropriétés dans lesquels il n’y a pas de sous compteur individuel ou encore les familles nombreuses. Mais il est plus juste en garantissant un accès à l’eau pour tous dans l’avenir, plus résiliant face aux risques de pénurie, et plus protecteur du bien commun qu’est l’eau.

Outil de sensibilisation

L’accès aux informations de production et consommation d’eau, agrégés au niveau d’un territoire et rendu public en open data et également un outil de sensibilisation important, afin que chacun puisse comprendre à partir de quelle moment les limites sont atteintes.

Ces compteurs communicants peuvent constituer une première pierre ce que l’on appelle la Smart city, dont les apports sont bien réels, mais dont il convient de cadrer rigoureusement la souveraineté des données, afin d’en faire un outil maitrisé au service du bien commun. Sans cela, la ville numérique sera une nouvelle forme de capitalisme technologique, dont l’humain sera un simple maillon utile pour alimenter un système qui se suffit à lui-même et pour lequel la logique mercantile se sera organisée pour se substituer aux services publics. La solution n’est pas de tout accepter ou rejeter en bloc, mais d’avoir une démarche intègre dans l’usage des données, clairvoyante sur les possibles futurs et bienveillante avec les citoyens.

La mise en place de compteurs communicants, de nouveaux modèles tarifaires demande de l’acculturation, de l’accompagnement pour les services techniques et facturation, mais également de la population, avec des explications, des phases de transition progressives, des propositions d’alternatives (comme la collecte des eaux de pluie et le recyclage des eaux pour le jardin) afin de contribuer à préserver l’eau et garantir un accès à tous à cette ressource vitale.

Sebastien Bergin

Président de la fédération suisse de domotique

Chef de projet Smartbuilding et Smart Territoire chez brainybiz.com